Birdman, c’est le super-héros qu’a un jour interprété Riggan Thompson (Michael Keaton). Cet acteur, aujourd’hui has been, homme de contradictions, tente de faire un retour en force en mettant en scène une pièce de Raymond Carver à Broadway. Il veut accomplir quelque chose d’important dans sa vie. Cependant, entre les autres acteurs et les obstacles, les jours avant le spectacle ne se passent pas sans accroches.
Birdman, c’est aussi l’ego, l’ombre qui rôde autour de Riggan, qui le fait douter et qui le rend petit à petit fou.
Birdman c’est l’histoire d’êtres tourmentés, brisés par le système et rêvant d’être ce qu’ils ne sont pas. Une critique dit cruellement à Riggan : « Vous n’êtes pas un acteur, vous êtes une célébrité », relevant ainsi la limite parfois floue entre l’art et l’aspect commercial du cinéma et du théâtre. Le personnage crée d’ailleurs un buzz sur internet par inadvertance et comme le lui rappelle sa fille (Emma Stone), l’existence sur les réseaux sociaux fait exister une personne dans la réalité.
La pièce que monte Riggan et dans laquelle jouent certains des autres protagonistes rappelle leurs tourments : Riggan recherche l’admiration, les deux actrices se trouvent pathétiques (Andrea Riseborough et Naomi Watts), Mike Shiner (Edward Norton), acteur de Broadway acclamé et personne au caractère difficile, n’a le sentiment de vivre réellement que quand il joue un rôle. La fille de Riggan, Sam (Emma Stone), qui ne joue pas sur scène, mais qui est l’assistante de son père, quant à elle, sort d’une cure de désintoxication. « Ai-je jamais existé ? » interroge le personnage de Riggan dans cette pièce de Carver. Question qui trouve sa résonance dans la vie de ces héros ou plutôt de ces antihéros.
Filmé en plans-séquences, le film offre une expérience cinématographique particulière, presque théâtrale. Les mouvements de la caméra sont synchronisés aux personnages et parfois, à un détour, changent d’objectif et s’intéressent à quelqu’un d’autre. Non seulement, le film se rapproche de cette manière de l’univers théâtral dans lequel évoluent les héros, mais nous avons de plus, en tant que spectateurs, l’impression de déambuler dans le théâtre et autour de lui en même temps que les personnages. Presque comme des voyeurs, nous nous immisçons dans les discussions privées et les instants intimes, dans les moments de faiblesse, de folie, de confessions, de perte de contrôle. Le spectateur a la sensation de faire partie de l’univers des personnages.
Rythmée par les sons d’une batterie, l’histoire de Riggan Tompson se déroule devant les yeux du spectateur entre illusions et réalité. Les images se succèdent et nous ne savons pas si ce que nous voyons se passe réellement ou non. Ces sons, qui semblent surtout appartenir à la sphère hors de l’écran se retrouvent parfois liés à l’image et nous voyons les musiciens produire cette musique. Néanmoins, ce qui est sûr, c’est que ce rythme aide à créer un ensemble harmonieux, même si par moments, il fatigue tout de même légèrement.
La belle interprétation des acteurs a également été rehaussée par ce rapprochement à travers l’image. En effet, alors que ces derniers débitent leurs dialogues parfois poignants et qu’ils sont presque nez à nez avec la caméra, le texte est encore plus saisissant, même si l’on n’y croit pas à chaque fois… Néanmoins, ce n’est pas seulement à travers la manière de filmer que le jeu des acteurs touche. Ces derniers nous ont en effet offert une palette d’émotions et ont mis leur âme à nu.
Un peu surréaliste, dramatique, mais aussi drôle et avec même un peu d’action à un moment donné, le film Birdman touche à tous les genres. C’est un carrousel de sons et d’images et une véritable satire du show-business, du succès, de son côté éphémère et relatif. Ce film est presque inclassable et se regarde avec intérêt, en un souffle. Un favori pour les Oscars 2015?
Birdman sortira sur les écrans le mercredi 25 février 2015.
Alejandro González Iñárritu. Birdman. Fox Searchlight Pictures. 2014.
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